Le XVIIe et le XVIIIe siècle
Ar XVIIvet hag an XVIIIvet kantved
Les fidèles ont dû penser que leur église n’était pas assez belle, qu’elle était peut-être trop triste et ont en tous cas souhaité lui donner plus de couleurs, plus de vies. En tous cas les fresques que nous pouvons voir aujourd’hui ont été réalisées en 1621. Malheureusement, à part le cartouche que nous pouvons voir sur le mur Nord nous n’avons aucun renseignement sur leur auteur (ou leurs auteurs) ni sur le commanditaire. Etait-ce l’assemblée ? était-ce la famille de Penn ar Yeun ? Nous n’en savons rien.
Ou bien ?
Dans l’angle supérieur gauche du cartouche, une présence des lettres latines « GVIII » interpelle le visiteur. S’agit-il d’un abrégé de Guillaume Le Prestre, évêque de Cornouaille, le troisième portant ce prénom, évêque de 1614 à 1640 ? Est-ce le commanditaire de la création de ces fresques ?
En 1648, le 17 novembre pour être précis, a lieu la visite de la chapelle de Kilinenn afin de rédiger le procès-verbal qui servira au procès entre la famille de Kerguelen et Messire Sébastien le Becquer, chanoine de Cornouaille et Recteur de Kerfeunteun. Ce texte qui a beaucoup servi à Michel Mauguin pour étudier les blasons relatifs à la chapelle a été publié par l’Abbé Favé dans le BSAF de 1898.
Une Mission avec le père Maunoir
Ur Mision gant an tad Maner
Le père Julien Maunoir (an tad Maner), un jésuite, vint à Kilinenn en 1658, sans doute en octobre, pour prêcher une mission. Il était le disciple et le continuateur de Michel le Nobletz (Mikael an Nobletz). Celui-ci avait inventé les « taolennoù », ces tableaux en général assez rudes pour expliquer par des images les idées générales sur la religion qu’il voulait faire passer auprès d’une population presque totalement illettrée (5 % des gens savaient lire dans la paroisse de Briec en 1770). Le père Maunoir mis sur pied une pédagogie efficace afin d’inculquer aux fidèles la peur du péché, la peur de l’enfer et donc la nécessité de rester dans le droit chemin. Les missions consistaient donc à apprendre aux fidèles les éléments essentiels du catéchisme, elles duraient trois semaines et chacun dans la paroisse était tenu d’y participer. Ces missions sont une des raisons du rôle important qu’exerçait le clergé sur la population. Elles ont perduré en Bretagne jusqu’à la fin des années 1940 et se terminaient toujours par une procession solennelle. La dernière mission de Landrévarzec eut lieu en 1949.
Les registres paroissiaux
Marilhoù parez
Depuis 1539 il est fait obligation de tenir des registres de baptême, de mariage et de décès par les curés des paroisses. Cette obligation a été très peu suivie et il y a très peu de documents, toutes paroisses confondues, de cette époque. Une nouvelle réglementation (le code Louis), prescrit en 1667 la tenue d’un seul registre pour les trois actes. Les premiers registres que nous connaissons de Kilinenn datent de 1675. Ces registres s’arrêtent bien sûr en 1792, pendant la Révolution, au moment où la trêve de Kilinenn est supprimée.
Pendant ces 117 ans les registres ont enregistré 2740 baptêmes, 1725 décès et 523 mariages. Mais il n’est pas possible de tirer de statistiques de ces chiffres car certaines cérémonies concernaient des habitants extérieurs à la trêve. Cela est surtout vrai pour les baptêmes sans doute mais concerne également les décès et les mariages. On le voit très bien d’ailleurs en comparant les chiffres des baptêmes et des décès où l’on observe un solde naturel positif en 117 ans de 1015 personnes, ce qui est bien sûr impossible pour une population totale d’environ un demi-millier d’habitants (529 en 1841 nous l’avons vu plus haut).
Dans le registre des naissances on trouve :
“Le 12ème juillet 1705 fut faite la bénédiction de la cloche qui est dans la tour du coste de l’Orient par Messire Angustin Floc’h, prêtre et curé et fut nommée Marie Anne par noble et discret Messire Louis François Danillo et Dame Anne Jacquette Danillo dame de Pennajeun »
Dans celui des décès :
Le 24 décembre 1736 a été inhumé dans cette chapelle Messire François de Kerguelen, prêtre, mort au manoir de Penanjeun à l’âge de 28 ans, après avoir vu l’ordonnance de Mr Guesdon, juge criminel. Il mourut par suite d’un homicide attribué, croit-on, au frère de la victime, parce que celle-ci n’avait pas voulu payer les dettes du manoir. (Landrévarzec par les chanoines Peyron et Abgrall –sd – livret.)
Les registres ne sont en général pas très précis, bien qu’au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, on s’aperçoit qu’ils sont de mieux en mieux tenus. A partir de 1763 par exemple, il est bien indiqué le lieu de sépulture et on s’aperçoit que l’ensemble des corps sont enterrés dans la chapelle elle-même (entre 1708 et 1713 également d’ailleurs). On peut donc penser qu’au moins depuis 1708 l’ensemble des enterrements se faisaient à l’intérieur de la chapelle. On peut penser que le chœur était réservé aux nobles (Penn ar Yeun, Rulazarou… ) et que les autres étaient enterrés dans la nef ou dans le transept.
Le retable et la niche de N.D. de Kilinenn
Ar stern-aoter ha kustod ar Werc’hez
Nous n’avons pas vraiment de date pour la fabrication de ce retable ni de cette niche mais la DRAC les date tous les deux du XVIIe siècle. On voit dès la première observation qu’ils ont été réalisés par le même atelier.
L’abbé Y-P Castel écrit : « Le retable du XVIIe siècle est une petite merveille qui, tout en n’étant pas documentée avec précision, s’apparente aux productions quimpéroises des Le Déan. »
Le cimetière
Ar vered
Dans le document de 1648 (Un procès-verbal des prééminences et droits honorifiques à Landrévarzec et à Quillinen) nous suivons l’ensemble des participants sortant de l’édifice par la porte occidentale, la porte ouest, et après avoir détaillé le blason situé au-dessus de celle-ci nous nous portons finalement sur « le portal du costé du cimetière, Vers le midy… ».
En 1648 il y avait donc un cimetière sur le côté sud. Était-il entouré d’un mur à ce moment-là ? Était-il bien délimité ? Les corps étaient-ils enterrés majoritairement dans ce cimetière à cette époque ? Comme nous n’avons aucun registre avant 1675 nous n’avons aucune réponse à ces questions mais nous savons qu’en 1695 un édit fait obligation de clôturer les cimetières afin d’empêcher les animaux d’ y pénétrer. Le diocèse de Quimper avait interdit les enterrements dans les églises et chapelles et le Parlement de Bretagne avait fait de même par un décret de 1719 pour des raisons sanitaires évidentes (évidentes pour nous en tous cas) et pour lutter contre les épidémies.
Pourtant le 20 mai 1783 la fabrique de Briec délibère sur deux lettres reçues.
La première du 02 mai 1783 signée Louis et plus bas Amelot par le Roi, contresignée par le Sieur de Kervelegan, sénéchal.
La deuxième du 13 mai 1783 signée Le Dell de K/eon
Ces deux lettres « portant défense d’inhumer dans les églises tréviales de Quilinen et de Landudal » nous montrent bien que les diverses interdictions et autres décrets que nous évoquons ci-dessus n’avaient pas été pris en compte à Kilinenn.
Finalement, la délibération du conseil de la fabrique de Briec est ainsi rédigée :
« Après avoir reçu des remontrances tant en français qu’en vulgaire langage breton, les conseillers sont d’avis de prendre conseils auprès de trois avocats » (ADF 34 G 5).
Nous ne savons pas si des avis ont réellement été pris auprès d’avocats et, dans le cas où ils l’ont été, quels ont été leurs avis. Ce qui est certain c’est que les morts ont continué à être enterrés à l’intérieur de la chapelle jusqu’à Françoise Cornic de Trochoet, soixante ans, le 24 juillet 1785. Elle sera la dernière. Le mort suivant, Jean le Meur, un petit bébé de deux mois décédé le 17 août 1785 sera enterré à Briec. En octobre il y aura 3 décès : la première, Marguerite le Borgne du Bourg (de Kilinenn bien sûr), environ 62 ans, sera enterrée au cimetière (qui n’existe pas vraiment) les deux morts suivants Pierre Briand de Pennachoet, 1 mois, et Vincent le Guillou de Stang Lezoudenvet, environ 26 ans, tous les deux décédés un petit peu plus tard en octobre seront enterrés à Briec. L’acte relatant le décès de Marguerite le Borgne est très parlant :
« Marguerite le Borgne, épouse de Hervé Nicot, âgée d’environ soixante deux ans, décédée en ce bourg le sept octobre mil sept cent quatre vingt cinq a été inhumée le onze du même mois et an dans le placitre près de cette église, dans les limites nouvellement tracées pour servir de cimetière, en conséquence de l’ordonnance rendue par maitre Corentin Michel Cahel Doyen des procureurs de la juridiction du Marquisat de la Roche et Baronnie de Laz, en l’absence de monsieur le juge d’icelle en date du onze du dit mois et an. Ont assisté à l’enterrement Ethienne Nicot son fils et Jerome Courtay son beau-fils qui ont déclaré ne savoir signer »
D’ailleurs, trois jours après cette inhumation, le 14 octobre 1785, a lieu une réunion chez les notaires de la juridiction du Marquisat de la Roche et Baronnie de Laz entre Jean le Quéau fabrique actuel en charge de l’église tréviale de Quillinen et demeurant au lieu du Quellennec, accompagné de quatre autres fabriciens de la paroisse de Briec d’une part et Germain Prigent, maçon de profession et demeurant au bourg paroissial de Landrévarzec d’autre part. Il s’agit ce jour-là de signer le contrat de construction du mur du cimetière. Germain Prigent a obtenu le marché après 3 bannies et encantements trois dimanches de rang à Quilinen au prix de 258 livres. L’emplacement du mur a été borné. Il devra faire trois pieds et demi de hauteur sur deux de large ou d’épaisseur. Lesquels murs seront aussi recouverts par des mottes d’un pied de hauteur. Germain Prigent devra également faire trois escaliers de grandes pierres de côté (des échaliers en fait). (ADF 4 E 22 7)
Le 20 novembre 1785, un tout petit peu plus d’un mois après la signature du contrat se tient une nouvelle réunion à la fabrique de Briec.
On y apprend que le mur du cimetière de la trêve de Kilinenn est presque fini. Le coffre-fort de la fabrique est ouvert au moyen de trois clefs afin d’y retirer 258 livres et de payer Germain Prigent, le maçon. (ADF 35 G 5).
A l’époque il n’y avait pas de banque et il fallait bien trouver des arrangements sûrs pour garder l’argent collectif à l’abri des tentations trop fortes et il fallait donc trois clés, confiées à trois personnes différentes, pour ouvrir ce coffre-fort.
Le mort suivant, Jean Pennaneac’h de K/effran décédé le 17 novembre 1785 à environ 46 ans, sera inhumé dans le cimetière ainsi que l’ensemble des corps des personnes décédées à sa suite, jusqu’à la fermeture de l’église trèviale lors de la Révolution. D’après le registre paroissial de l’époque il y a eu 114 corps enterrés dans ce cimetière entre octobre 1785 et décembre 1792. Il y en a peut-être eu quelques-uns de plus, enterrés là de manière clandestine, au moins jusqu’aux années 1806, car une lettre du recteur de Briec Michel Tymen à l’évêque le 17/03/1806 nous apprend que parfois, avec l’aide du bedeau, quelques corps sont encore inhumés dans le cimetière (mais également à Landudal, Tréflez et Landrévarzec). Mais il est vrai que dans une lettre du 22/11/1811 il informe l’évêque qu’une pétition, datée du 5 ventose an 12 (25/02/1804), des habitants de Kilinenn demandant le droit d’inhumer les morts dans le cimetière de Kilinenn lui avait été transmise. Michel Tymen avait refusé la demande (archives diocésaines).
La gestion de l’édifice
Mererezh ar savadur
On n’en a pas parlé jusqu’ici car malheureusement très peu d’archives anciennes sont parvenues jusqu’à nous contrairement à ce qui a pu se produire dans d’autres églises ou chapelles. La gestion de ces monuments était faite par le Conseil de Fabrique qui regroupait une petite dizaine de personnes. Il y avait apparemment dans ce Conseil une personne expressément chargée de Kilinenn. Il s’agissait de Jean le Queau, du Quellennec, en 1785 nous venons de le voir. Ci-dessous, le 25 août 1782, le fabrique était Yves le Douguet, de Pennachoet. Kilinenn étant une trève, le conseil se trouvait forcément à Briec mais sans doute que le fabrique local devait pouvoir régler les affaires courantes.
On apprend par exemple par un compte-rendu du 29 septembre 1768 : « … de plus ont tiré du coffre-fort de la chapelle de Quillinen cent vingt six livres et un billet de soixante douze livres qu’on a donné à monsieur de Penarjun en présence de monsieur de la Boixière, Jean le Coeur et autres délibérants. Le treizième may 1768, signé Hervé le Berre prêtre et curé »
puis : « … de monsieur de Penarjun à Briec ce 13 may 1768 Allain Pennarun prêtre recteur de la dite paroisse de Briec. Le dit recteur a compté la dite somme de 198 livres en présence des délibérateurs et les délibérateurs sont d’avis d’employer la dite somme pour la réparation de l’église tréviale de Quillinen. » (34 G 4)
Le 25 août 1782, Yves le Douguet, fabrique de Quilinen fait une requête devant la fabrique de Briec « car il est d’une très grande nécessité de réparations des boisages et couvertures de l’église trèviale ».
Six cent livres ont été tirés du coffre-fort ce jour. Un marché sera passé devant notaire à la suite de 3 incantations consécutives le dimanche. (34 G 5)
Le 18 décembre 1785 a lieu une nouvelle réunion de la fabrique de Briec. On y apprend que l’auberge de Quilinen, qui est propriété de la chapelle, est occupée par Hervé le Hire. Lors d’une réunion ultérieure six mois plus tard, elle est attribuée à Yves Richarre pour une somme de 39 livres annuels. (ADF 35 G 5)
Les comptes annuels de la fabrique de l’église tréviale de Quilinen pour 1788 nous apprennent que le loyer de la maison de l’auberge est toujours de 39 livres, que le Mengleuz (Landrévarzec) et Guellen (Briec) versent une livre de rente annuelle et Kerambourg (Quilinen) deux livres. Une dizaine d’obit ont également été facturés entre 6 et 15 sols. Il s’agit sans doute de messes célébrées en mémoire d’un défunt. (ADF 34 G 2)
La Révolution
An Dispac’h bras
Les chanoines Peyron et Abgrall nous disent dans le Bulletin diocésain d’histoire et d’archéologie de 1917 que M. Guillaume L’Abbé, né à Edern en 1746, prêtre en 1769, est porté sur la liste des non assermentés dressée au directoire du District de Quimper le 23 avril 1793. Il a exercé à Quilinen entre 1780 et 1791. Il fut déporté en Espagne et s’embarqua à Bénodet le 2 juillet 1792 et dut y mourir car il n’est plus question de lui au Concordat.
Il semblerait également qu’un prêtre habitué, Germain Meunier, né à Gourin en 1750, prêtre en 1778, exerçait également à Quilinen. Il prêta serment et se retrouva vicaire à Landudal. Il mourut vicaire à Arzano le 28 mars 1805. (d’après BSAF de 1954 p. 101, article de Daniel Bernard)
Jacques Donnart, né à Goulien le 01/09/1755, prêtre en 1781. Après avoir été prêtre à Dinéault puis à Plouhinec, il est nommé curé de Quilinen en 1790. Il prête serment à Briec le 03/07/1791 et est nommé vicaire de Quilinen jusqu’au 19 juillet 1794. (Daniel Bernard BSAF 1954)
Il était sans doute très difficile de faire vivre les chapelles et églises non choisies par la Révolution pour être lieu de culte officiel mais des essais ont malgré tout été tentés. Mr de Penanjeun, par exemple, a demandé à louer l’église de Quilinen le 30 messidor an III (18 juillet 1795) car d’après un arrêté daté de Rennes le 23 germinal an III (12 avril 1795) les administrateurs des districts sont autorisés à accorder aux citoyens qui en feront la demande l’occupation d’un édifice national pour servir de culte en réglant les conditions des baux. (bulletin diocésain d’Histoire et d’Archéologie 1935 P. 129)
Kilinenn a eu de la chance, contrairement à beaucoup d’autres lieux de culte, de ne subir aucune détérioration pendant cette période troublée.
Les prêtres à Quilinen
Beleien Kilinenn
Liste établie à partir des registres paroissiaux.
Cette liste n’est pas une stricte chronologie. Durant une même période, la trève de Quilinen peut accueillir plus d’un prêtre.
1675-05/1679
06/1678-04/1704
06/1686-08/1692
06/1701-03/1714
05/1702-12/1707
06/1702-03/1708
03/1704-03/1707
03/1707-10/1713
11/1713-02/1722
02/1722-10/1743
06/1731-11/1737
02/1723-10/1742
10/1744-01/1760
10/1757-11/1762
01/1763-08/1767
02/1768-09/1779
11/1779-07/1780
08/1780-06/1791
01/1790-07/1794
1803-1806
Alain David
Jac Quillien (en mars 1678 il signe en tant que diacre)
Charles Donnart ou Donard, prêtre et chapelain de Quilinen
Yves Pennarun, prêtre
Mathias le Louet
Jan Cuzon
Augustin Floc’h, prêtre
Pierre Scordia, prêtre et curé
Augustin le Floc’h, prêtre et curé
Alain Tymen, prêtre et curé de Quilinen
Barnabé Boulbria, prêtre
Pierre Douirin, prêtre
Mathurin le Sor, prêtre et curé
J. Lozarc’h, prêtre et curé
Corentin Sezneg, prêtre et curé
H. le Berre, prêtre et curé
Joseph. le Pennec, curé
Guillaume l’Abbé, curé
Jacques Donnard, curé en 1790 puis vicaire
Jacques Corveoc, vicaire (d’après Peyron & Abrall BDHA 1917)