Un PATRIMOINE du XVème SIECLE   à  QUILINEN  en  LANDREVARZEC (29510)

QUILINEN : les siècles nous ont légué un merveilleux héritage !…

Origines, XVe et XVIe siècle
Orinou, XVvet hag an XVIvet kantved

Origine du nom « Quilinen » ou « Kilinenn » / Orin an anv

« Si on en juge par le lieu-dit Saint-Quilinan-Bihan, à Louargat (Côtes d’Armor), où existe un village de Quilinan, Quilinen est un nom de saint employé seul. Ce nom correspond à celui du saint gallois Celynin, honoré à Llanpumsaint, dans le Carmarthenshire, et éponyme de Llangelynin dans le Merioneth (aujourd’hui comté de Gwynedd) ».(Source : B. Tanguy dans le Dictionnaire des noms de communes, trêves et paroisses du Finistère).

B. Tanguy ne le dit pas mais en langue galloise le « C » se prononce comme un « K » en français ou en breton et Celynin se prononce pratiquement comme Kilinenn. D’autre part la langue galloise connaît également les mutations de certaines lettres dans certaines circonstances, comme dans la langue bretonne d’ailleurs, et c’est cette mutation qui explique le nom de Llangelynin où le « C » a été muté en « G » après le terme « Llan »

Llanpumsaint signifie « l’église des cinq saints » en gallois. Les cinq saints dont il est question sont en fait cinq frères, Gwyn, Gwynno, Gwynoro, Ceitho et Celynin. Ils auraient construit l’église vers les Ve ou VIe siècle.

André Cornec (auteur d’une thèse de Doctorat : Microtoponymie du canton de Briec_29510) nous apprend également que l’église de Llangelynin dans la région de Gwynedd au Pays de Galles est consacré à saint Celynin et que ce saint y est fêté le 22 novembre. Il nous rappelle également que J. Loth (linguiste spécialiste de langues celtiques) fait référence à une « capel Arthog » située sur le territoire de Llangelynin. Lan Tref Harthog (Lan Drev Arzheg – Landrévarzec) et Kilinenn de ce côté-ci de la Manche et Capel Arthog près de Llangelynin de l’autre côté. Est-ce un hasard ? Ce n’est pas si sûr.

© Openstreetmap France

Grâce à ces divers éléments on peut penser qu’un bonhomme nommé Celynin est arrivé en Bretagne aux environs du VIe siècle (on sait que les Bretons sont arrivés d’Outre-Manche entre les Ve et les VIIe siècle), venant du Pays de Galles. Il s’est installé dans ce lieu aujourd’hui nommé de son nom « Kilinenn » ou « Quilinen ».

L’ancienneté du christianisme sur le territoire de la Bretagne
Abaoe pevare zo eus ar gristeniezh war dachenn Breizh

Le christianisme est attesté dès le IVe siècle, apportée sans doute par des légionnaires de l’armée romaine. Mais c’est quand même l’arrivée des Bretons d’Outre-Manche entre le Ve et le VIIe siècle qui apporte avec elle la nouvelle religion, un christianisme celtique. C’est cette nouvelle religion et surtout ses prêtres, les chefs et meneurs, qui vont modeler leur nouveau pays, le nôtre aujourd’hui. Nous n’insisterons pas sur ce point car tout le monde connaît les « plou », les « lan », les « loc » et autres structures créées par eux à ce moment-là et qui continuent de régir encore aujourd’hui la vie communale de notre pays. Cette ancienneté de la religion ne nous permet pas, bien sûr, d’avancer l’idée qu’un autre bâtiment préexistait à la chapelle actuelle. Nous ne savons d’ailleurs pas si le « Celynin », Kilinenn, qui est venu s’établir à cet endroit au Ve, VIe ou VIIe siècle est le même personnage que celui qui a été sanctifié au Pays de Galles.

Un lieu de foires et marchés ?
Un dachenn foarioù ha marc’hadoù ?

« La présence d’une « cave de pierre estant près la chapelle de nostre dame de Quilinen entre ladite chapelle et la fontaine du bourg de Quilinen » (aveux de 1615, 1630 et 1643 ; 35j38 ADM) laisse supposer que des foires et marchés se tenaient en ce lieu. C’est ce que confirme la présence de deux parcelles en « foarlec’h »(lieu de foire) situées à 150 m à l’est de la chapelle et à un peu plus de 100 m de la « cave de pierre ». (in thèse A. Cornec Microtoponymie du canton de Briec – p 428 – non publiée à ce jour). Ce nouvel éclairage nous permet peut-être de comprendre pourquoi et comment Kilinenn existe et pourquoi une église, et surtout une église de cette importance, a pu être construite à cet endroit.

Des traces d’un bâtiment plus ancien dans le bâtiment actuel
Roudoù ur savadur koshoc’h er savadur a-vremañ

Quand on regarde le mur nord de la nef on est surpris de voir des pierres plutôt petites et non taillées à sa base et des moellons de plus grosses dimensions bien taillés à sa partie supérieure.

Il est surprenant d’autre part de voir que l’ensemble des piliers de la cha­pelle semblent posés sur un dallage ancien.

Sur cette photo du 6 décembre 2011, tirée lors des premiers sondages avant travaux, on remarque parfaitement cet ancien dallage, caché à cette époque sous une chape de ciment. Ce dallage ancien se poursuit sous le pilier et cette disposition est valable pour l’ensemble des piliers de la chapelle.

Pour fonder une pile, on creuse un puits dans le sol, qu’on comble de pierraille ou de sable (matériau incompressible, typique des fondations des temples égyptiens) ou on maçonne des pierres taillées (base des colonnes imposantes de cathédrales ou d’abbayes. Une ou plusieurs grosses pierres recouvre la fondation et sert de semelle à la pile ou colonne.
(contribution de J.S.)

Quilinen, une trêve
Kilinenn, un trev

Kilinenn fait aujourd’hui partie de la commune de Landrévarzec et faisait partie, jusqu’aux modifications récentes, de la paroisse de Landrévarzec également. Cela n’a pas toujours été le cas. Au moment de la construction de la chapelle, Kilinenn était une trève, une paroisse annexe en quelque sorte, de la paroisse de Briec. Elle était liée à Briec jusqu’à la Révolution de 1789. Ensuite son église a été fermée et les habitants dépendaient directement de Briec, à plus de neuf km pour certains d’entre eux (avec les chemins que l’on imagine). La chapelle n’a rejoint la paroisse de Landrévarzec qu’en 1841, lors de sa re-création de celle-ci.

Vous trouverez ci-après la liste des villages de la trêve suivi du nombre d’habitants en 1841 :

Stang ar Veil (5) ; Moulin de Pennanjeun (14) ; Ty Bout (4) ; Stang Lezoudevet (9) ; Maner bihan (8) ; Ty Sable (14) ; Rumorvanic (9) ; Ty Lapin (2) ; Kerlestrec (20) ; Toularuniou (3) ; Garzabic (9) ; Quillinen Bourg (54) ; Guellic (9) ; Rulazarou (6) ; Pennanjeun (14) ; Kervez (8) ; Gonividic (6) ; Pennachoet (78) ; Koad ar Stang (18) ; Le Drezec (4) ; Trohoet (25) ; Moulin de Pont Queo (4) ; Kerhervé Quillinen (15) ; Kerhervé Izella (5) ; Guergalegan (22) ; Kervouelet (22) ; Kermel (10) ; Quelennec (7) ; Les Salles Lestudoret (24) ; Pennavern (25) ; Kergreis Izela (9) ; Kergreiz Huela (16) ; Kerbour (18) ; Kereffran (24) ; Moulin de Kereffran (9).

La population totale de la trêve était donc en 1841 de 529 habitants.

Ty Lapin se trouvait à gauche de la garenne qui mène de Rumorvanic à la voie romaine (garont ar groas) ; il n’existe plus de traces de construction aujourd’hui.
Ty Bout se trouve environ 150 m plus loin que Meilh Penn ar Yeun à gauche de la voie romaine quand on vient de Quimper pour se diriger vers Kilinenn. Ce nom n’est plus utilisé car la maison n’est plus habitée.

IGN 2022 _ Retrouvez les villages de 1841 !

L’origine de la construction actuelle
Orin ar savadur a-vremañ

L’édifice actuel a été construit essentiellement en deux étapes. Tout d’abord la partie qui constitue la nef actuelle et ensuite, dans un deuxième temps, ce qui constitue le chœur et le bras de transept. « Le chœur et le bras de transept peuvent être postérieurs de quelques années » nous dit René Legrand (ancien architecte des Monuments Historiques) dans le bulletin de la société archéologique de France de 1957. La première partie est voûtée de lambris alors que la deuxième a une voûtée de pierre, ce qui est rare en Bretagne pour des églises ou chapelles.

En l’absence de traces écrites relatant l’origine de l’édifice il ne nous reste, pour essayer de le dater, que le déchiffrage de traces laissées dans la pierre.

Sur cette première partie de construction, la nef actuelle, nous avons plusieurs écus sculptés et peints. Tout d’abord, au-dessus de la porte du fond de la nef, dans le mur ouest nous remarquons un écu qui a malheureusement subit les affres du temps. Aujourd’hui, sauf peut-être avec un soleil rasant, il est pratiquement impossible de comprendre ce qui y a été sculpté. Heureusement qu’une copie du procès-verbal des prééminences et droits honorifiques à Quilinen en 1648 retranscrite par M. l’abbé Favé nous l’explique avec clarté : « … Et Sortys deladite Eglise nous ont lesdits Kerguelen aussi fait Voir audessous du portal occidental Un Escusson En bosse Et relieff Lequel paroist anticque Et aussi antien que Le Surplus de Leglise armoyez dudit Croissant quelesdits Kerguelen ont dit Estre Les armes dudit Penanjeun Laulnay... »
En clair il s’agit donc du blason de la famille de Launay qui habitait au manoir de Penn ar Yeun. Cet écusson se décrit en langage héraldique : d’azur au croissant d’or. Le manoir de Penn ar Yeun existe toujours et se trouve à environ 1 km de la chapelle.

Le texte de 1648 continue : « … Et finalement sur le portal du costé du cimetière, Vers le midy avons Veü Un Escusson en platte peinture des armes dudit Penanjeun Laulnay Escartelle dazur a une macle d’or. »
Ici encore nous retrouvons les armes des Seigneurs de Penn ar Yeun en union avec une autre famille.

Ce procès-verbal a été établi à la demande de la famille de Kerguelen et on y évoque essentiellement les prééminences de cette famille et des familles alliées dont la famille de Launay. Nous n’évoquerons pas plus longuement dans cette rubrique ce procès-verbal qui est une source très importante et incontournable de la compréhension de notre chapelle car il est étudié par Michel Mauguin « Les-armoiries-dans-la-chapelle-de-Quilinen-par-Michel-Mauguin ».

Toujours sur la façade sud, nous voyons aujourd’hui sur chacune des consoles supportant les trois statues de l’Annonciation un écu dont la peinture originale était, jusqu’en 2013, recouverte de peinture noire et ocre représentant des aigles et des losanges sans aucune signification héraldique. Les travaux de restauration ont permis de décaper cette couche et de retrouver les blasons d’époque. Nous y retrouvons à gauche le blason des de Launay en alliance avec une autre famille, à droite une alliance entre la famille de Launay avec une autre famille non identifiée et enfin au centre un écusson représentant l’alliance de Guillaume de Kerguelen avec sans doute Isabeau de Quistinic (vers 1413).
Nous savons que le 22 août 1449 a été signé le contrat de mariage entre Guillaume de Kerguelen (du manoir de Kerroc’h alors en Landrévarzec) et Blanche de Launay de Penn ar Yeun (alors en Briec). Ce mariage, qui fait rentrer la famille de Kerguelen dans les immédiats proche de la chapelle, n’est pas représentée dans cette première partie de la construction de la chapelle et nous sommes donc tentés de penser que ce mariage a été postérieur à cette construction et que celle-ci, la nef actuelle donc, a dû être terminée avant cette date de 1449.

Essayons maintenant de dater la deuxième partie (le chœur et le bras de transept). Avant les travaux de restauration personne n’avait pu les dater avec précision.
Au bas d’un pinacle de la façade sud on peut voir un écusson porté par deux lions avec un phylactère au-dessus. Cet ensemble, une seule pierre, a été descendu pour les besoins du chantier et nous avons fait appel à Yves Pascal Castel qui s’est empressé de venir déchiffrer l’inscription : « Orphano tu eris adjutor » (Tu seras le soutien de l’orphelin). Cette devise était celle de Jean de Lespervez, évêque à Quimper de 1450 à 1471. Il est donc évident que cette pierre a été placée à cet endroit au plus tard en 1471. Il est intéressant de noter que la même configuration de l’écusson porté par deux lions surmonté d’un phylactère se retrouve à l’intérieur de la cathédrale de Kemper en deux exemplaires. Ces derniers sont en bois et non en granit comme celui de Kilinenn. La compréhension récente de cette sculpture nous permet donc aujourd’hui de dater cette partie du monument.

A l’intérieur de l’édifice, dans la partie de la nef la plus proche du chœur, sur la droite, dans le mur sud donc, on voit un renfoncement, que l’on appelle une crédence. On remarque qu’il y avait auparavant une tablette qui a été brisée et qui servait à poser les burettes d’eau et de vin servant pour la messe. En dessous on voit toujours parfaitement une sorte de lavabo, la piscine, toujours positionnée à droite d’un autel, qui servait au prêtre à se laver les mains. Cette crédence démontre clairement la présence d’un autel à cet endroit à une certaine époque, sans doute justement à l’époque où la nef était déjà construite mais pas encore le chœur.


Toujours du même endroit, en levant les yeux, on peut encore deviner la courbure de l’arc qui fermait l’édifice avant que le pilier massif d’aujourd’hui et donc sans doute également avant que le clocher primitif central ne soit construit.

On a brièvement évoqué un peu plus haut les blasons de la famille de Launay et de la famille Kerguelen qui sont sans aucun doute les principales familles locales à l’origine de cette construction. Nous avons également parlé du blason de l’évêque Jean de Lespervez.
Quatre blasons sont également visibles sur les clés de voûte du chœur et du transept. Le premier, à l’emplacement le plus prestigieux, au-dessus de l’autel principal, nous montre les hermines stylisées représentant les armes du duché. Sur les deux clés adjacentes nous voyons les sept macles de la puissante famille de Rohan ; il n’est pas impossible que le duché et la famille de Rohan aient participé financièrement à son édification. Au fond du transept nous trouvons un écu montrant une clé (la clé de St Pierre), une tiare (la couronne des papes) et des fanons (symbole des habits épiscopaux). Il ne fait guère de doute que celui-ci représente d’une manière ou d’une autre le Vatican. Le Vatican a sans doute attribué quelques indulgences aux acteurs de cette construction.

Une chapelle en forme de L
Ur chapel stumm un « L » ganti

Une des premières originalités que l’on remarque en entrant dans la chapelle c’est sa forme en L, une forme non habituelle. Tout le monde reconnaît bien le chœur, la nef et son bas-côté et bien des personnes se posent la question de la signification de cette partie nord (et de son bas-côté également). La plupart des spécialistes parlent du transept nord, Abgrall par exemple, l’architecte bien connu des années 1900. René Legrand, lui aussi architecte des monuments historiques, en parle dans un article de 1957. Y-P Castel évoque également : « un bras de transept posé en retour d’équerre au nord ; disposition originale qui ne se retrouve dans aucune église ancienne de Cornouaille ».

Mais Philippe Bonnet (La Bretagne gothique, 2010), historien, évoque pour ce bras de transept, la possibilité d’une chapelle seigneuriale. Il faut bien sûr rester prudent et rester humble mais il semble évident que s’il y avait eu une chapelle seigneuriale, le ou les bancs des seigneurs s’y trouveraient ainsi que leur tombe. Or le procès-verbal de 1648 nous décrit ce banc et cette tombe qui se trouvaient au-devant dudit grand autel, devant l’autel principal :
« … Et nous ont lesdits Kerguellen fait voir audevant dudit grand autel, du costé de Lespitre, un bancq à deux accoudouer Denviron quatrepieds Et demy de Long Et deux Et demy de Largeur, dans lequel banq sont deux Ecussons en bosse Empreints de chacun Un Croissant, au costé Duquel banq il y a une Tombe ou est aussi Empreint en bosse un Croissant que lesdits Kerguellen ont dit estre les armes de Penanjeun Laulnay ».

Une autre explication à ce seul bras de transept est peut-être possible. En se positionnant au-dessus de la chapelle à l’aide d’une vue aérienne, on se rend compte que l’édification du deuxième bras de transept porterait celui-ci au raz du calvaire et lui enlèverait une bonne partie de sa majesté car il n’y aurait plus l’espace nécessaire à sa mise en perspective. Ce calvaire positionné à un endroit bien précis, à l’exacte verticalité de la jonction de rivières souterraines, ne peut donc pas être déplacé.
Si on accepte l’hypothèse de l’abbé Castel c’est-à-dire une construction du calvaire vers le milieu du XVe siècle, ce calvaire se trouvait peut-être déjà présent lors de la construction du chœur et du transept nord et rendait donc impossible la construction d’un transept sud.

Nous venons de mentionner que le calvaire est positionné à un endroit bien précis lié aux rivières souterraines. Les sourciers viennent en nombre à Kilinenn et trouvent tous différentes coulées d’eau. Il semblerait que la plus importante se situerait entre le calvaire et les fonts baptismaux. Les personnes désirant en savoir davantage pourront se reporter au livre de Georges Prat : « L’architecture invisible » p. 169 à p. 171. Il n’est d’ailleurs pas impossible que ce calvaire ait été construit à l’emplacement d’un monument plus ancien (menhir ou stèle).

I.G.N.

L’Annonciation
Itron Varia a geloù mat

Nous avons déjà évoqué plus haut les trois statues de l’Annonciation qui se trouvent dans le tympan du grand portail sud. Christiane Prigent, universitaire reconnue, envisage la possibilité, dans son livre de 1987 « Pouvoir ducal, religion et production artistique en Basse-Bretagne 1350-1575 » que les Montfort ayant une dévotion particulière à Notre-Dame de Bonne Nouvelle, suite à la victoire de Jean IV à la bataille d’Auray le 29 septembre 1364, auraient eu une influence sur la représentation de l’Annonciation (Itron Varia a Geloù Mat) dans plusieurs édifices. « … ce fut la dynastie des Montfort tout entière qui partagea cette dévotion : « François II, le dernier de nos ducs, estoit devot à la glorieuse Vierge… Mais la duchesse sa fille le surpassa » » Christiane Prigent poursuit page 118 de son livre : «  La chapelle de Quilinen en Landrévarzec date de la fin du XVe siècle ; à la clé de voûte du chœur se remarquent les armes ducales. A l’extérieur, l’édifice présente une ornementation très riche du côté de l’abside et sur la façade sud. Au bas de la nef, une grande arcade encadre une porte géminée ; dans le tympan, un groupe de l’Annonciation en calcaire, rehaussé de polychromie, se compose des deux personnages traditionnels de la Vierge agenouillée recevant la salutation évangélique et de l’ange placé à sa droite. Un autre ange, à gauche du tympan, accompagne le groupe. Il tient un phylactère avec, en relief, l’inscription suivante : « NOTRE.DAME.DE.BONNE.NOUVELLE ». Cette scène n’offre rien d’insolite en soi, mais la présence du second ange reste tout à fait exceptionnelle ; existe-t-il un rapport entre sa présence et celle de la famille ducale ? »

Au-dessus de ce grand portail sud on remarque encore quelques écussons sculptés dans la pierre. Il y en a cinq en tout. Ce sont vraisemblablement les armes des nobles les plus puissants du secteur. Michel Mauguin les a étudié longuement.
Voir : « Les-armoiries-dans-la-chapelle-de-Quilinen-par-Michel-Mauguin ».
Mais en deux mots nous pouvons dire qu’il s’agit tout d’abord du symbole du duc de Bretagne et qu’on appelle « l’hermine passante ». Celui-ci, difficilement lisible aujourd’hui se trouve en position centrale, juste au-dessus du fleuron. Les autres blasons, de part et d’autre, représentent le duc Pierre II, le baron du Juch, le baron Jean II de Pont-l’Abbé et Jean III du Quelenec, vicomte du Faou. Il faut remarquer que l’ensemble de ces nobles étaient très proche de la famille de Montfort et, comme la plus grande partie des nobles de Basse-Bretagne d’ailleurs, avaient choisi cette famille et non la famille de Blois lors de la guerre de succession (1341-1364).
Le 28 juillet 1488 se déroula la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier entre l’armée de François II (duc de Bretagne et père d’Anne de Bretagne) et l’armée du roi de France Charles VIII. Cette bataille, perdue par l’armée bretonne, marque la fin de l’indépendance de la Bretagne (même si le traité d’union avec la France ne sera signé qu’en 1532). Ce fut une véritable hécatombe, 6000 soldats de l’armée bretonne moururent au combat et parmi ceux-ci Thibault de Kerguelen âgé de 37 ans. Il était le fils de Guillaume II de Kerguelen et de Blanche de Launay (mariés en 1449) et était marié avec Marie du Rusquec.

Carte postale des années 1950-1960
(Editions Jean)
Phylactère lisible_Années 1950-1960

De multiples études et propositions ont été exprimées sur le déroulement du chantier de construction de la chapelle.

Voir ci-contre un dessin illustrant l’aspect possible de la chapelle avec son clocher central à la fin du XVe siècle.

Il y avait un escalier dans une tourelle (coté Sud) pour accéder à la chambre des cloches ; peut-être une deuxième tourelle (coté Nord) par esthétisme (sans escalier mais avec accès par la chambre des cloches).
A comparer avec la chapelle Notre-Dame-de-Tronoën en Saint-Jean-Trolimon (CP 29520) construite à la même période.
(contribution de J.S.)

Testament de Thomas Furic 4 juin 1495
Testamant Tomaz Furic d’ar 4 a viz Even 1495

La commune de Landrévarzec a acquis au début des années 2000 un parchemin déterminant la succession de Thomas Furic, recteur des églises des paroisses de Landrévarzec et de Gouesnac’h. Ce document est daté du 4 juin 1495.

L’ensemble de ses biens est attribué à différentes personnes ou institutions et c’est dans ce cadre qu’il lègue à :
« Capella beate Marie de Quillinen sommam decem solidi » (la chapelle sainte Marie de Quilinen la somme de dix sous).

Mais, pour relativiser sa générosité, on peut noter qu’il lègue 1 écu d’or à la chapelle Sainte Marie de Brennilis et 2 écus d’or à la cathédrale de Quimper.
Ce document est important car c’est, au jour d’aujourd’hui, le document le plus ancien que l’on connaisse qui mentionne cette chapelle et ce lieu de Quilinen.

Découvrir la « traduction du testament de Thomas Furic » par Y-P Castel.


La fontaine
Ar feunteun

On peut admettre que la chapelle est terminée en cette fin de XVe siècle. Sur la fontaine nous ne trouvons que les armes de la famille de Launay, ce qui nous incite à penser qu’elle date d’avant le mariage de Guillaume de Kerguelen avec Blanche de Launay.

Voir sur ce site : « La fontaine »


Le calvaire
Ar c’halvar

A quelle date a-t-il été construit ? Beaucoup de spécialistes le date du début du XVIe siècle. L’abbé Castel, autre spécialiste, écrit en 2013 :
« On remarquera tout d’abord qu’ici est magnifié le granite et non la pierre de kersanton, matériau utilisé dans la statuaire de tant de calvaires. Une telle prédominance du granite est une preuve de l’ancienneté de l’ouvrage milieu du XVe siècle. On est au temps du fameux calvaire de Tronoën, fleuron sculptural du pays bigouden, qui est à juste titre considéré comme le plus ancien calvaire monumental de Bretagne. »

Voir sur ce site : « Le calvaire »


Le XVIe siècle
Ar XVIvet kantved

Le XVIe siècle sera sans doute consacré à l’ameublement de la chapelle. D’après la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) l’ensemble des statues de l’intérieur de la chapelle datent du XVIe, on peut penser que le jubé aujourd’hui disparu datait également de cette époque. En tous cas la poutre de gloire, qui est une des parties de cet ancien jubé, est datée de ces années.

Le grand contrefort extérieur qui se trouve au droit du clocher médian original a été construit après-coup et sa construction a occulté les deux petites fenêtres étroites (meurtrières) qui servaient à l’origine à donner un minimum d’éclairage à l’escalier en colimaçon qui menait au clocher d’une part et à l’estrade du jubé d’autre part. Ce contrefort est sans doute venu consolider une construction qui montrait des désordres dus peut-être à la masse du clocher initial.


Une peinture murale : une « Roue de la vie » ou « Roue de fortune ».
L’abbé Y-P Castel écrit : « Néanmoins il y a quelques années on pouvait voir sur le mur à droite près du choeur une fresque ancienne fort rare. Par bonheur, en 1972, Hervé Saliou a fait un relevé grandeur nature, procédant par décalque de cette composition intéressante.  Un homme vêtu comme au temps d’Henri IV, l’épée au côté … »

Voir sur ce site : « Peintures murales, … ».

En partie basse
En partie haute

L’ameublement de la chapelle au XVIe siècle, c’est aussi la présence d’un grande sculpture sur bois polychrome : La Déploration.

Voir sur ce site : « Le statuaire »
Voir aussi un document produit par Jean-Yves Cordier :
(avec l’aimable autorisation de l’auteur) : « https://www.lavieb-aile.com/2020/06/la-deploration-de-la-chapelle-de-quilinen.html »

  A suivre : « le XVIIe et le XVIIIe siècle »